Angward

La conquête de l'espace demeure une ambition terrestre majeure. Mais du rêve à la réalité, les candidats au grand voyage doivent s'attendre à une expédition qui, loin d'être de tout repos, peut s'avérer sans retour, prévient The Guardian.

A l’heure où le tourisme spatial fait l’objet d’une compétition privée, internationale et médiatique, où les puissances spatiales se donnent pour horizon un vol habité vers la planète Mars, l’espace ne cesse d’alimenter les projets les plus fous. Le véritable héros moderne porte un scaphandre dernière génération, ne saurait se contenter d’un environnement à deux dimensions et aspire à un peu moins de gravité terrestre.

Imaginez que cette personne, c’est vous : "Félicitations. Vous êtes astronaute et vous avez été choisi pour une mission sur Mars. Vous êtes en pleine possession de vos moyens physiques et mentaux", vous salue The Guardian. Mais ne vous réjouissez pas trop vite, car "vous êtes dans de sales draps". En invoquant les travaux de recherche en médecine spatiale menée par des scientifiques britanniques, le quotidien londonien de gauche égrène les arguments à tempérer l’enthousiasme des plus téméraires.

"Si vous survivez à la violence du lancement, de nombreux problèmes d’ordre physiologique sont devant vous, explique Kevin Fong, chargé de cours sur le sujet à l’University College de Londres. Vos os et muscles s’atrophient à un niveau alarmant, vous vous sentez désorienté en raison des effets de l’apesanteur sur votre oreille interne, votre cœur peut se mettre à battre irrégulièrement et un grand nombre d’astronautes tombent malades les deux premiers jours à cause du syndrome de l’adaptation spatiale."

Alyson Calder livre un diagnostic guère plus réjouissant. "Après, ça se complique", renchérit ce médecin de l’hôpital de Monklands, à Glasgow, qui donne des conférences d’une journée sur les défis biologiques d’une mission sur Mars. Face au dérèglement du système cardio-vasculaire ou de la circulation sanguine en apesanteur, vous risquez des calculs rénaux. "Souffrir de calculs rénaux, à mi-chemin vers Mars et sans hôpital en vue, est une situation très inconfortable", avertit Alyson Calder.

Et Mars réserve un nouveau cycle d’épreuves à l’organisme de ceux qui auraient réussi à rester en vie. Là-bas, "les problèmes se multiplient", assure The Guardian. Tout diffère : une journée martienne dure trente-huit minutes de plus qu’ici-bas ; l’attraction gravitationnelle est réduite à un tiers de celle existant sur la Terre, la densité de l’atmosphère martienne équivaut à 1 % seulement de celle sur la Terre et la température moyenne est de - 60° C.

Les (gros) soucis induits par un voyage interplanétaire peuvent se manifester aussi sur le plan psychologique. On ne se lance pas à la légère dans une expédition de longue durée vers l’inconnu dans une capsule exiguë et en compagnie de gens que vous ne pourrez jamais éviter. En dernier lieu, la question des communications radios avec la Terre ne peut s’affranchir d’un délai de transmission de vingt minutes de décalage, ce qui signifie que quarante minutes sont nécessaires entre le message et sa réponse. A cet égard, la solution pourrait venir de l’Internet. La BBC a interrogé l’un des fondateurs du réseau des réseaux, Vint Cerf, qui expose "sa vision de l’Internet interplanétaire", son nouvel axe de recherche. "Ce que nous cherchons à présent, c’est la possibilité d’utiliser des sortes de protocoles Internet pour communiquer avec des engins spatiaux lancés dans notre système solaire." Il ne reste plus qu’à partager l’optimisme prudent de cet illustre chercheur : "Nous ne sommes qu’à quelques années de mettre en place une sorte de réseau Internet entre deux planètes."

Philippe Randrianarimanana