Vassalité (Servile states)
Encore un des nombreux articles contre l'impérialisme, pour le réveil de l'Europe et des peuples. On n'écrira jamais assez tout cela car l'esprit du peuple est lent. Martelons des vérités pour faire chenger les choses."UN empire n'a pas d'alliés, il n'a que des vassaux. La plupart des Etats de l'Union européenne semblent avoir oublié cette réalité historique. Sous nos yeux, et sous les pressions de Washington, qui les contraint à s'enrôler dans sa guerre contre l'Irak, des pays en principe souverains se laissent ainsi réduire à la triste condition de satellites.
On s'est beaucoup demandé ce qui avait changé dans la politique internationale à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Après la publication, le 20 septembre dernier, par l'administration américaine, d'un document définissant la nouvelle « stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis », on connaît la réponse."
UN empire n'a pas d'alliés, il n'a que des vassaux. La plupart des Etats de l'Union européenne semblent avoir oublié cette réalité historique. Sous nos yeux, et sous les pressions de Washington, qui les contraint à s'enrôler dans sa guerre contre l'Irak, des pays en principe souverains se laissent ainsi réduire à la triste condition de satellites. (le monde diplomatique)
On s'est beaucoup demandé ce qui avait changé dans la politique internationale à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Après la publication, le 20 septembre dernier, par l'administration américaine, d'un document définissant la nouvelle « stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis (1) », on connaît la réponse. L'architecture géopolitique comporte désormais en son sommet une unique hyperpuissance, les Etats-Unis, qui « jouissent d'une force militaire sans égale » et qui n'hésiteront pas « à agir seuls, si nécessaire, pour exercer [leur] droit à l'autodéfense en agissant à titre préventif ». Une fois identifiée une « menace imminente », « l'Amérique interviendra avant même que la menace ne se concrétise ».
En clair, cette doctrine rétablit le droit à la « guerre préventive » que Hitler appliqua en 1941 contre l'Union soviétique, et le Japon, la même année, à Pearl Harbor contre les Etats-Unis... Elle efface également un principe fondamental du droit international, adopté lors du traité de Westphalie, en 1648, établissant qu'un Etat n'intervient pas, et surtout pas militairement, dans les affaires intérieures d'un autre Etat souverain (principe bafoué en 1999, lors de l'intervention de l'OTAN au Kosovo...).
Tout cela signifie que l'ordre international fondé en 1945, à l'issue de la seconde guerre mondiale, et régi par l'Organisation des Nations unies (ONU) vient de prendre fin. A la différence de la situation que le monde connut pendant une décennie, après la chute du mur de Berlin (1989), Washington assume désormais sans complexe sa position de « leader global ». Et le fait de surcroît avec mépris et arrogance. La condition d'empire, naguère considérée comme une accusation typique d'un « antiaméricanisme primaire », est ouvertement revendiquée par les faucons qui pullulent autour du président Bush.
A peine mentionnées dans le document du 20 septembre, les Nations unies sont en conséquence marginalisées, ou réduites à une chambre d'enregistrement devant s'incliner face aux décisions de Washington. Car un empire ne se plie à nulle loi qu'il n'ait promulguée. Sa loi se transforme en Loi universelle. Et faire respecter cette Loi par tous, au besoin par la force, devient sa « mission impériale ». La boucle étant ainsi bouclée.
Sans prendre forcément conscience du changement structurel en cours, beaucoup de dirigeants européens (au Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pays-Bas, Portugal, Danemark, Suède...) adoptent déjà, à l'égard de l'empire américain, dans un réflexe de caniche, l'attitude de servile soumission qui sied aux fidèles vassaux. Bradant au passage indépendance nationale, souveraineté et démocratie. Mentalement, ils ont franchi la ligne qui sépare l'allié de l'inféodé, le partenaire de la marionnette. Ils implorent, si possible, après la victoire américaine, une goutte du pétrole irakien...
Car nul n'ignore que, au-delà des arguments avancés (2), l'un des buts principaux de la guerre annoncée contre l'Irak est effectivement le pétrole. Faire main basse sur les deuxièmes réserves mondiales d'hydrocarbures permettrait au président Bush de bouleverser entièrement le marché pétrolier planétaire. Sous protectorat américain, l'Irak pourrait rapidement doubler sa production de brut, ce qui aurait pour conséquence immédiate de faire chuter les prix du pétrole et, peut-être, de relancer la croissance aux Etats-Unis.
Cela permettrait également de viser d'autres objectifs stratégiques.
En premier lieu, porter un coup très dur à l'une des bêtes noires de Washington, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), et par ricochet à certains de ses pays membres, en particulier la Libye, l'Iran et le Venezuela (mais des pays amis ne seraient pas épargnés, comme le Mexique, l'Indonésie, le Nigeria ou l'Algérie...).
En second lieu, le contrôle du pétrole irakien favoriserait une prise de distance à l'égard de l'Arabie saoudite, de plus en plus considérée comme un sanctuaire de l'islamisme radical. Dans un (improbable) scénario wilsonien de remodelage de la carte du Proche-Orient (3), annoncé par le vice-président Richard Cheney, l'Arabie saoudite pourrait être démantelée et un émirat, sous protectorat américain, établi dans la riche province de Hassa, où sont situés les principaux gisements de pétrole et dont la population est majoritairement chiite.
Dans une telle perspective, le conflit contre l'Irak ne ferait que précéder, à courte échéance, une attaque contre l'Iran, pays déjà classé par M. Bush comme membre de l'« axe du Mal ». Les réserves iraniennes en hydrocarbures venant compléter le fabuleux butin dont compte s'emparer Washington dans cette première guerre de la nouvelle ère impériale...
L'Europe peut-elle s'opposer à cette périlleuse aventure ? Oui. Comment ? D'abord en usant de son double droit de veto (France, Royaume-Uni) au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Ensuite, en bloquant l'instrument militaire, l'OTAN, dont compte se servir Washington pour son expansion impériale et dont l'utilisation est soumise au vote des Etats européens (4). Dans les deux cas, ceux-ci devraient alors se comporter vraiment en partenaires. Et non en vassaux.
IGNACIO RAMONET
(Version Anglaise)
AN empire does not have allies, it has only vassals. This is a fact of history that most governments in the European Union seem to have forgotten. As they come under pressure from Washington to sign up for war against Iraq, we see nominally sovereign countries allowing themselves to be reduced to the demeaning status of satellites.
People have been asking what changed in international politics after the terrorist attacks of September 2001. With the publication this September of the Bush administration's document defining the new "national security strategy of the United States" (1), we have the answer. The world's geopolitical architecture now has at its apex a single hyperpower, the US, which "possesses unprecedented and unequalled strength and influence in the world" and which "will not hesitate to act alone, if necessary, to exercise our right of self-defence by acting pre-emptively." Once a threat has been identified, "America will act against such emerging threats before they are fully formed."
This doctrine re-establishes the right to preventive war which Hitler used in 1941 against the Soviet Union and which Japan used in the same year against the US at Pearl Harbour. It also summarily abolishes one of the basic principles of international law, established with the Treaty of Westphalia in 1648, that one sovereign state does not intervene, and especially not militarily, in the internal affairs of another (a principle already discarded in the 1999 Nato intervention in Kosovo).
This means that the international order laid down in 1945 at the end of the second world war and overseen by the United Nations has come to an end. In a break with what we have known since the fall of the Berlin Wall (1989), Washington is now assuming a position as leader of the world. And it does so with a mixture of contempt and arrogance. To speak of empire would until recently have been seen as anti-Americanism, but now the word is on the lips of the many hawks in the Bush administration.
The UN, barely mentioned in the September document, is marginalised or reduced to a role in which it is expected to bow to Washington's decisions, since an empire bends to no law but those it made itself. The law of that empire becomes the universal law. And its imperial mission is to ensure that everyone respects that law, by force if necessary. And so we come full circle.
Apparently unaware of the structural change, many European leaders (in the United Kingdom, Italy, Spain, Netherlands, Portugal, Denmark and Sweden) are reacting to US imperial pretensions with a servility befitting feudal vassals. In the process they are abandoning national independence, sovereignty and democracy. They have crossed the line that separates the ally from the feudal subject, the partner from the puppet.
What they are evidently hoping for, in the event of a US victory, is a drop of Iraqi oil; because behind the official justifications being offered (2), everyone knows that oil is a main objective of the war against Iraq. If Bush had access to the second biggest oil reserves in the world he could transform the world oil market completely. Under an American protectorate, Iraq could quickly double its output of crude, which would immediately bring down the price of oil, and perhaps revive the US economy.
This would clear the way to other strategic possibilities. First, it would strike a blow against an organisation that Washington loves to hate, the Organisation of Petroleum Exporting Countries (Opec), and against its members, notably Libya, Iran and Venezuela (not that friendly countries such as Mexico, Indonesia, Nigeria and Algeria would be spared).
Second, control of Iraqi oil would enable the US to distance itself from Saudi Arabia, seen as a haven of radical Islam. In an (admittedly unlikely) scenario of a redrawn map of the Middle East (3), as announced by the vice-president, Dick Cheney, Saudi Arabia might be broken up and an independent emirate established as a US protectorate in the rich oil region of Hassa, where the main Saudi deposits are located and where the population is mainly Shi'ite.
In that perspective the war against Iraq would be a precursor to war with Iran, which President Bush has already identified as part of the "axis of evil". Iran's oil reserves would add to the fabulous booty that the US is reckoning on from this first war of the new imperial era.
Can Europe oppose this perilous venture? Yes. How? First by using its double right to veto (that of France and the UK) in the Security Council. Then by blocking the military instrument (Nato) that Washington is counting on using for its imperial expansion: the use of Nato is subject to vote by European governments (4). In both cases Europe's governments would have to start behaving as partners, not vassals.