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Une autre façon d'être américain
Au Canada, les liens avec les Etats-Unis occupent une place déterminante dans la définition de l’identité nationale. Si l’interdépendance économique est inévitable entre les deux voisins, leurs valeurs morales et leurs héritages culturels ne sont pas nécessairement semblables.
“Les Canadiens se convainquent qu’ils deviennent de plus en plus américains. Que leurs valeurs sont les mêmes que celles de notre colossal voisin”, constate l’hebdomadaire L’Actualité. Or ils ont “tout faux”, rétorque Michael Adams, de l’institut de sondages Environics Research, en se fondant sur les réponses de quelque 14 413 Canadiens et Américains à 300 questions qui fouillent leurs valeurs fondamentales. Ces résultats comparés à ceux d’un premier sondage réalisé par Adams il y a dix ans, font apparaître que les deux peuples sont de plus en plus différents. L’analyse d’Adams, développée dans un livre*, vient démentir “le mythe de la convergence des valeurs” entre les deux sociétés.
“Mon livre a pour but de détromper les Canadiens. Nos valeurs diffèrent de façon considérable, c’est devenu un véritable fossé”, explique l’auteur dans les pages de L’Actualité. La première divergence trouve ses racines dans l’histoire des deux pays. “Les Américains étaient des révolutionnaires, en rupture avec l’Europe”, alors que les Canadiens sont restés attachés à leurs origines européennes et à leur héritage culturel. Au Canada, il n’y a pas eu de guerre civile – “personne, ici, ne pouvait gagner, écraser l’autre” – ni d’esclavage ni de discrimination institutionnalisée des Noirs.
A partir de là, les deux sociétés ont emprunté des chemins différents, poursuit Adams : “Nous devenons une société que je qualifie de postmoderne, alors que les Américains tendent à régresser vers une société autoritaire, plus dure, vers une sorte de darwinisme économique et social.” Ainsi le melting-pot canadien a produit un peuple tolérant, socialement libéral, qui trouve sa voie dans sa propre réflexion. En revanche, la société libertaire américaine a fini par produire des gens socialement conservateurs, matérialistes, intolérants, à genoux devant leurs institutions et l’autorité. “Ils s’éloignent de notions comme le devoir, le souci écologique, la conscience sociale, la simplicité. Les valeurs qui montent le plus vite chez nos voisins sont la xénophobie et le sexisme, pas l’égalité. Et cela était vrai même avant le drame du 11 septembre 2001. Tout est gris au Canada et noir ou blanc aux Etats-Unis.”
Pragmatiques, les Américains ne se demandent pas si une chose est conforme aux principes, mais si elle est faisable. Cela les conduit jusqu’à l’acceptation de la violence et de l’exclusion sociale. Contrairement aux Européens et aux Canadiens, les Américains n’ont pas su rompre avec le patriarcat et l’autorité traditionnelle – d’où leur “obéissance à l’autorité et leur attachement indiscuté au président”. Ainsi, à la question du sondage : “Dans une famille, c’est le père, l’homme, qui doit être le maître de la maisonnée. D’accord ou pas d’accord ?” la réponse des Américains est révélatrice : aux Etats-Unis, c’est papa qui a raison. C’est lui qui doit diriger la famille, sans remise en question. Il est le patron. D’où la révérence envers le président et la Maison-Blanche : mon pays, qu’il ait raison ou tort.
A partir des réponses individuelles aux 300 questions, un groupe dominant, culturellement et socialement, se dégage dans chacune des deux sociétés. Les Canadiens seraient en majorité des gens qui aspirent au respect de l’individu et à la réalisation de soi. Alors que du côté des Américains, le groupe dominant prône l’exclusion, l’agression, la peur d’autrui et le conformisme. “Le rêve américain est très stressant. La mobilité sociale est grande, on peut retomber aussi vite que l’on est monté. C’est deux fois pire qu’il y a dix ans”, commente Adams, avant de constater : les Canadiens riches sont moins nantis que les Américains riches, mais les Canadiens pauvres sont infiniment mieux lotis que les Américains démunis. Ça donne, au sud de la frontière, une mentalité darwiniste : survivre, arriver par tous les moyens. On l’a vu lors des récents scandales financiers. Tout ce qui compte, c’est de gagner. C’est la guerre de tous contre tous.”
Et le pire reste à venir car, à en croire Michael Adams, car “pour la vaste majorité des jeunes Américains, l’idéalisme n’existe pas. Ils veulent tout, tout de suite, l’argent, le divertissement, la consommation, le goût du risque, la violence, et au diable les autres ! L’individualisme se vit chez eux dans l’aliénation et le nihilisme : après moi le déluge !” Les jeunes Canadiens sont certes influencés par l’american “way of life” mais, heureusement, ils ressemblent bien davantage à la génération de leurs parents. “Ils sont plus rebelles, plus idéalistes” que leurs semblables américains.
* Fire and Ice : The United States, Canada and the Myth of Converging Values (Le feu et la glace : Les Etats-Unis, le Canada et le mythe de la convergence des valeurs), éd. Penguin, Canada.
Courrier International