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Un nouvel ordre américain ?
Hervé Bourges, président de l'Union internationale de la presse francophone (UPF) et l'écrivain Mahmoud Hussein soulignent la situation nouvelle de l'après-11 septembre : "Pour faire face à cette menace planétaire (le terrorisme), une solidarité planétaire s'imposait. Elle a été espérée, un court instant, dans les opinions comme dans les chancelleries du monde entier. Cette occasion a été perdue. George W. Bush l'a enterrée en choisissant l'affirmation solitaire de la superpuissance américaine."
POINT DE VUE publié dans le quotidien français Le Monde, jeudi 27 décembre 2001
Sur internet : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3232--256162-,00.html



Un nouvel ordre américain ?

par Hervé BOURGES et Mahmoud HUSSEIN


Le débordant optimisme de Bernard-Henri Lévy nous a stupéfaits (Le Monde du 21 décembre 2001). Nous avons pourtant les mêmes points de repère - rejet de tous les fondamentalismes, condamnation sans appel du terrorisme, foi dans l'universalité des valeurs de liberté individuelle et des droits de l'homme - et nous guettons comme lui les moindres signes d'espoir dans le monde qui nous entoure. Mais nous voyons un tableau de l'après-11 septembre, bien moins enthousiasmant que celui qu'il brosse. George W. Bush n'est pas intervenu en Afghanistan pour aider ce peuple à gagner. sa « guerre de libération ». Jusqu'au 11 septembre, la Maison Blanche tolérait sans état d'âme, le régime rétrograde et sanguinaire des talibans, avec lesquels elle négoçiait très pacifiquement pour obtenir qu'ils lui livrent Ben Laden et son état-major. En échange de quoi les violations des droits de l'homme et l'asserviccement de la fenune auraient pu longtemps prospérer en Afghanistan. Ils auraient même pu se perpétuer après le 11 septembre si les talibans avaient finalement lâché AI-Qaida. Mais leur refus au-delà de cette date fatidique les condamnait. Leur renversement s'imposait comme une première étape dans le dispositif global de la lutte contre le terrorisme, devenue priorité nationale de PAmérique.

Il importe absolument de rappeler cette vérité inaugurale du conflit. Parce quelle donne leur coloration véritable aux intentions américaines. Washington n'a pas décidé de libérer le monde de ses dictatures - et c'est ce qu'ont bien compris, par exemple, la Russie et la Chine, auxquelles on ne reproche plus, leurs propres entreprises de répression intérieure.

Ce que Washington a décidé, c'est de tout mettre en œuvre pour protéger son territoire contre la menace représentée par les réseaux terroristes et les Etats qui les protègent ou les aident. Ses intérêts se trouvent ainsi rejoints par ceux de la quasi-totalité des Etats membres des Nations unies, pour lesquels le terrorisme représente aussi une menace plus ou moins directe. Cette conjonction d'intérêts explique l'unanimité avec laquelle le Conseil de sécurité a appuyé l'action de la Maison Blanche jusqu'ici. Mais la guerre reste celle de George W. Bush. Les objectifs militaires, l'ampleur des moyens mis en œuvre, les limites politiques assignées à la diplomatie, l'extension à venir des champs d'intervention, tout cela est du ressort exclusif du président américain, agissant en fonction de ce qu'il tient pour les intérêts nationaux de son pays.

Bernard-Henri Lévy regrette que d'autres Etats, notamment européens, n'aient pas vraiment participé à la campagne d'Afghanistan. La vérité est que certains, à commencer par le Royaume-Uni, l'ont vivement souhaité. Ce sont les Etats-Unis qui ne l'ont pas voulu. C'est de notoriété publique. De nombreux commentaires sont d'ailleurs parus pour expliquer ce refus - par le fossé désormais infranchissable entre la puissance militaire américaine et les moyens limités de l'Europe. Washington ne répondrait de l'efficacité de son arsenal que s'il en gardait tous les leviers en main. Mais il y a plus. Washington ne fait pas que constater son écrasante supériorité militaire. Il l'utilise pour affirmer une attitude hégémonique.

Ce n'est pas nouveau. Bush l'avait proclamé avant d'être élu et l'a mis en pratique dès après son élection : son administration agira partout en fonction d'enjeux qu'elle seule (et non plus la communauté internationale ou même la communauté atlantique) définira comme prioritaires. D'où le refus de respecter de nombreux engagements antérieurs de l'Amérique, la dénonciation unilatérale de traités déjà conclus, le mépris d'aspirations globales environnementales, telles que celles exprimées à Kyoto, etc. Au reste du monde de s'adapter comme il peut.

Dans la guerre contre le terrorisme, cette attitude hégémonique permet en particulier à Washington de garder le monopole de l'initiative militaire - sans avoir de comptes à rendre à personne. Ainsi plusieurs villages afghans ont-ils été bombardés et tous leurs habitants tués parce qu'on les soupçonnait d'abriter des membres d'Al-Qaida. On l'a su plus tard grâce à la presse américaine. De tels actes auraient sans doute été évités si le Pentagone n'était pas seul maître à bord. Sur ces questions, il faut écouter avec beaucoup d'attention le secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld. Dans ses très nombreuses conférences de presse, il formule brutalement ce que son président se doit d'enrober dans un discours universaliste. Il dit que l'Amérique, parce qu'elle a les moyens de décider seule, décide pour le monde.

Il n'y a là rien de réjouissant. Comment peut-on se rassurer à la pensée que Bush entend désormais lancer ses troupes ou larguer ses bombes au moment où il le veut, sur n'importe quel point du globe ? C'est d'autant plus préoccupant qu'il n'entend pas s'attaquer aux racines du terrorisme - déséquilibres, disparités, désespoirs - mais à ses manifestations symptomatiques. Il va "tirer sur tout ce qui bouge" sans s'inquiéter des situations qui feront toujours bouger, partout, ceux qui n'ont plus rien à perdre.

Plus que jamais auparavant, dans un monde intégré où les principales décisions des Etats-Unis retentissent, pour le meilleur et le pire, sur les grands équilibres régissant la vie du monde, l'après-11 septembre appelait une vraie concertation mondiale. Le terrorisme parvenu à ce niveau d'efficacité technique et d'extension territoriale multinationale nous signale que la cote d'alerte est atteinte partout où les gens ne trouvent pas leur compte dans l'état de choses actuel ; que les failles du système sont ressenties, sur de nombreux points du globe, de manière explosive. Pour faire face à cette menace planétaire, une solidarité planétaire s'imposait. Elle a été espérée, un court instant, dans les opinions comme dans les chancelleries du monde entier. Cette occasion a été perdue. George W. Bush l'a enterrée en choisissant l'affirmation solitaire de la superpuissance américaine.

Cette occasion perdue aura de graves conséquences. La guerre conduite par la seule Amérique ne pourra pas conduire au but voulu. Le combat antiterroriste mené exclusivement sur le terrain du militaire, du renseignement, de l'espionnage et de la guerre secrète, avec des cibles uniquement délimitées par la Maison Blanche, est nécessairement incohérent ; il épargne des pays tels que l'Arabie saoudite, pourtant patrie du fondamentalisme wahhabite, ou le Pakistan, berceau du talibanisme - parce que ce sont des clients de Washington -, en même temps qu'il accable les Palestiniens, dont il importe au contraire de satisfaire le droit à l'autodétermination dans les territoires occupés, pour porter un coup fatal au terrorisme.

Comment croire que l'on pourra gagner le combat mondial contre le fondamentalisme et pour l'assèchement des sources du terrorisme si, en Asie et en Afrique, les peuples les plus vulnérables à la propagande fondamentaliste et aux tentations du terrorisme n'y sont pas directement intéressés, mobilisés, impliqués ? La guerre technologique et secrète ne peut être que l'une des facettes de ce combat, qui ne peut être qu'un vaste combat pour promouvoir les valeurs, les idées et les pratiques de la démocratie dans le monde - et tout particulièrement dans les régions où ces pratiques ne sont pas encore enracinées. Sans quoi ce ne sera pas la liberté qu'on récoltera, mais plus de chaos et plus de terrorisme...

Il ne faut surtout pas se laisser prendre à la fallacieuse comparaison qu'on nous sert entre l'attitude actuelle de Bush et celle du président Roosevelt, durant la seconde guerre mondiale, face au nazisme. Ce dernier n'a cessé de renforcer la concertation avec ses Alliés, en particulier avec Churchill et Staline. Et, jusqu'à son dernier souffle, il s'est efforcé de mettre sur pied le système de concertation multilatérale qui voyait le jour au lendemain de la victoire, le système des Nations unies. Roosevelt est l'artisan inspiré du multilatéralisme de l'après-guerre ; Bush veut en être le fossoyeur. On a un peu tendance auourd'hui à minimiser l'importance considérable des bénéfices que le monde a retirés de cette période de multilatéralisme. Citons la promulgation de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le plan Marshall pour l'Europe, la décolonisation du tiers-monde. Sans compter tous les conflits évités ou éteints à temps avant que l'équilibre de la terreur ne dégénère en troisième guerre mondiale...

La multitude de réseaux de coopération mondiale et régionale qui ont vu le jour dans ce cadre, et en particulier à travers les organisations spécialisées des Nations unies, les milliers de programmes internationaux de développement ou de collaboration scientifique et technique, de solidarité pour le sauvetage de biens culturels inestimables, de construction d'écoles, d'instituts spécialisés et d'universités, les dizaines de milliers de rencontres et de débats regroupant savants, penseurs, éducateurs et artistes de toutes nationalités et toutes sensibilités - tout cela a directement contribué, au long d'un demi-siècle, à décloisonner le monde, pour ébaucher une conscience planétaire se référant, aujourd'hui, à un même patrimoine de valeurs universelles.

C'est à tout cela que George W. Bush voudrait tourner le dos, en revenant à un monde où ce qui compte vraiment se décidera dans son bureau ovale. Il ne pourra évidemment pas effectuer un tel retour en arrière. Mais avant de le découvrir, sa politique nous promet plus d'orages que de lendemains radieux.

C'est en Amérique, en tout cas, que les premières critiques de fond se font entendre. Et si certains journalistes commencent à donner l'alarme, en bravant l'unanimisme patriotique qui s'est imposé depuis les attentats, c'est parce que l'on assiste à des atteintes de plus en plus insidieuses aux valeurs universelles dont l'Amérique s'est toujours voulue porteuse et garante.

Ainsi, le FBI a-t-il récemment donné instruction de soumettre à interrogatoire un grand nombre de personnes résidant aux Etats-Unis, même si elles n'ont commis aucun délit, au seul motif qu'elles viennent du Proche-Orient. Des tribunaux militaires ont été prévus sur des navires de guerre pour juger des personnes qui seraient soupçonnées d'activités terroristes, sans leur offrir les garanties de la loi américaine. Procédures d'exception dignes des dictatures du tiers-monde, et d'autant plus déplorables qu'elles sont destinées à des non-citoyens américains, introduisant une discrimination entre les Américains et les autres. Pour ces derniers, on évoque même la possibilité d'utiliser la torture - au nom des vies innocentes qu'il faut protéger contre des terroristes présumés. On va jusqu'à évoquer, ici ou là, la nécessité de recourir à des assassinats préventifs...

C'est la célèbre éditorialiste Flora Lewis qui a posé le problème dans toute sa gravité dans un récent article intitulé "Et maintenant, qui va défendre le règne de la loi ?" (International Herald Tribune du 7 décembre). "Il y a, écrit-elle, des dispositions constitutionnelles claires qui régissent une déclaration de guerre et qui, alors seulement, peuvent justifier des mesures légales exceptionnelles. Or le Congrès n'a pas légiféré en la matière et n'a pas été appelé à le faire. La Maison Blanche et le procureur général ont affirmé que les tribunaux militaires ou toute autre instance jugée nécessaire par le président pour punir les terroristes étaient en soi une garantie de liberté. On soumet ainsi, de manière irresponsable, la logique d'ensemble du système légal américain à la pression d'une formidable émotion, en prétendant que l'on peut "faire confiance" au pouvoir exécutif jusqu'au point d'ignorer les nécessaires contrepoids du législatif et du judiciaire."
Vigilance.

Hervé BOURGES
président de l'Union internationale de la presse francophone.
Mahmoud HUSSEIN
écrivain.
Le Monde, 27 décembre 2001
Ecrit par Angward, à 16:30 dans la rubrique "Histoires".

Commentaires :

  Angward
17-10-02
à 11:44

ENfin

Oui, pendant un certain temps, j'avais l'impression d'être le seul à avoir espérer un meilleur avenir grace à cet événement. C'était très étrange comme situation, j'avais l'impression d'être le seul conscient mais aussi je me demandais si j'étais pas prétentieux et fou vis à vis de la politique mondiale. Enfin quelqu'un qui crut comme moi, à un monde pour les innocents et la paix



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