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L'universalité des droits de l'homme est fondamentalement
remise en cause par le patriarcat de Moscou, qui y voit une forme d'hégémonie
des valeurs occidentales et libérales, contradictoires avec celles de la nation
et de l'orthodoxie russes.
"Sous couvert du concept de droits de l'homme se
cachent le mensonge et l'insulte aux valeurs religieuses et nationales."
C'est en des termes particulièrement sévères, rapportés par Gazeta.ru,
que le métropolite Cyrille de Smolensk et Kaliningrad s'est exprimé à
l'ouverture du dixième Concile mondial du peuple russe (VRNS), qui s'est tenu
du 4 au 6 avril 2006 à Moscou sous la présidence du patriarche
Alexis II.
Cette assemblée, composée d'ecclésiastiques orthodoxes mais aussi de
représentants d'autres confessions ainsi que de plusieurs responsables de
l'Etat russe, dont le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a adopté
une Déclaration
des droits de l'homme élaborée par une commission dirigée précisément par
le métropolite Cyrille, le chef de la diplomatie orthodoxe russe. Ce dixième
concile avait pour thème "La foi. L'homme. La Terre. La mission de la
Russie au XXIe siècle".
"Ce n'est pas la première fois que des tentatives de révision et de
correction du concept de droits de l'homme dans son acception occidentale sont
entreprises", affirme Kommersant dans son éditorial. Le journal moscovite fait
référence notamment à la Déclaration des droits de l'homme dans l'islam,
formulée lors de la Conférence islamique du Caire de 1990, mais aussi à
"des réinterprétations à caractère non religieux" visant à
"prendre en compte les spécificités régionales", comme l'avaient
souhaité la Chine, Cuba, l'Indonésie, la Syrie, le Yémen et Singapour lors de
la deuxième Conférence mondiale des droits de l'homme, en 1993.
"La déclaration élaborée par le Concile est une tentative de fonder le
concept de droits de l'homme en Russie dans une interprétation asiatique et non
européenne, privilégiant la communauté par rapport à l'individu", conclut Kommersant.
En d'autres termes, "le Concile mondial du peuple russe a proposé à la
Russie de retourner en Asie".
"Il n'y aura pas de miracle", annonce Gazeta
à propos de l'adoption par le Concile de sa Déclaration des droits de l'homme.
D'après ce journal russe, "l'idée générale est la suivante : nous
n'avons pas besoin des valeurs étrangères libérales occidentales, qui
n'incluent pas la notion de péché, nous rejetons 'les idées contraires aux
représentations morales chrétiennes mais aussi traditionnelles de
l'homme'". Cela se résume à une définition très répandue dans l'orthodoxie
russe : "Le libéralisme est l'idéologie de l'Antéchrist." Et le
journal de s'interroger : "L'Eglise orthodoxe de Russie
n'appelle-t-elle pas à la création d'un système politique fondé sur les
principes religieux fondamentaux et le rejet de l'Occident ?"
Pour l'Ejenedelny
Journal, l'ambition de réviser le concept de droits de l'homme était déjà
inscrite au programme du précédent Concile mondial du peuple russe, qui
demandait "s'il existe des valeurs supérieures aux droits et aux libertés
de l'homme". "D'un concile à l'autre", l'Ejenedelny Journal
souligne que "c'est précisément à travers sa conception des droits de
l'homme que le patriarcat de Moscou place les espoirs de la 'mission de la
Russie au XXIe siècle'". Si l'Eglise orthodoxe russe rejette
officiellement l'avortement, l'homosexualité et l'euthanasie, elle se prononce
beaucoup moins sur les problèmes de la xénophobie et du nationalisme, fait
remarquer le journal.
De fait, le Concile mondial du peuple russe propose "une alternative
orthodoxe à la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par
l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies le
10 décembre 1948", fait observer le Moskovski
Komsomolets. Sauf que "le caractère multiconfessionnel et laïc de
l'Etat russe interdit que cette déclaration fasse œuvre de loi". Par
ailleurs, une telle éventualité contredirait les engagements internationaux de
la Russie. Reste que "la hiérarchie orthodoxe russe utilise au maximum son
rôle social", commente le journal.
Gazeta.ru élargit le débat au niveau international, opposant les
"conservateurs religieux", qui veulent accroître l'influence de la
religion sur la société, aux "partisans de la sécularisation", qui veulent
la réduire. "En Russie, ces problèmes n'intéressent pas la majorité
silencieuse. Elle ne va pas à l'église comme, disons, en Italie, mais ne se bat
pas non plus pour la sécularisation, comme en Espagne." Selon le journal
en ligne, il existe bien "un petit groupe de défenseurs des droits de
l'homme partisans de la sécularisation et une poignée d'intellectuels
sympathisants" qui se montrent inquiets des assauts de l'Eglise orthodoxe
russe. Mais, "pour tous les autres, le terme d'anticléricalisme suscite
une incompréhension bon enfant et celui de Dieu une indifférence
respectueuse". Soulignant que 3 % de la population russe seulement se
rend régulièrement à l'église, Gazeta.ru en conclut que "l'unique
destinataire du Concile est le Kremlin, qui désapprouve également fortement les
défenseurs russes des droits de l'homme".
Courrier international