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France 2000 vu par le TIMES
En dépit de son histoire marquée par un fort contrôle de l’Etat et de sa classe politique archaïque, la France se modernise pour relever le défi de la mondialisation

La france est sans doute l’un des pays les moins bien armés pour affronter le monde moderne de la mondialisation, du libre-échange et du capitalisme fulgurant lié aux hautes technologies. Ce pays qui porte à la caricature avec ses 340 sortes de fromages, ses cinq semaines de congés payés, sa semaine des 35 heures et son secteur public constamment paralysé par des grèves; cette nation centralisée autour d’un Etat surpuissant, accablée d’impôts, engluée dans ses traditions, son immobilisme et son protectionnisme, et qui s’entête à se trouver supérieure, ne semble avoir aucune chance de survivre dans l’arène internationale où compétition et marché dominent. Et pourtant…
A l’aube du XXIe siècle, une nouvelle France se dessine.

Comme un poussin qui commence à sortir de sa coquille, ce fier petit oisillon n’est pas encore entièrement visible—un bec ici, une patte là—mais on peut déjà deviner ce qui reste à venir. Les signes ne trompent pas: privatisation, décentralisation, volonté d’entreprendre, multiculturalisme, affaiblissement de l’Etat, allégement des impôts, réduction du secteur public et identité européenne moins individualiste à la place de “l’exception française” et de cette prétention universelle qui définissait auparavant la place de la France dans le monde. L’ancien ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn l’affirme: “Nous sommes en train de devenir un pays comme les autres.”


Pas tout à fait. La France reste l’un des pays européens qui paie le plus d’impôts (les prélèvements obligatoires représentent 45,3% du PIB) et qui possède le secteur public le plus pléthorique (une personne sur quatre est fonctionnaire)—sans parler de la classe politique élitiste, archaïque et complètement dépassée. A la tête du pays, le président gaulliste Jacques Chirac, 67 ans, qui se bat dans l’arène politique depuis plus de trente ans, et le Premier ministre socialiste Lionel Jospin, 62 ans, un austère protestant qui se veut modernisateur mais continue cependant à utiliser une rhétorique de gauche dépassée et s’est allié avec l’un des derniers Partis communistes d’Europe.


Pourtant, regardez ce que ce gouvernement de gauche a accompli depuis son arrivée au pouvoir en juin 1997. Jospin a privatisé, totalement ou partiellement, plus d’entreprises que ses quatre prédécesseurs—ce qui a rapporté 175 milliards de francs—y compris des dinosaures comme Thomson Multimédia, Air France et France Télécom. Cette année, selon certaines estimations, la croissance économique devrait dépasser les 4%, permettant ainsi à la France de réaliser la meilleure performance des grands pays européens. La Bourse de Paris a atteint des records historiques: sa valeur a augmenté de 50% en 1999, quant à celui du nouveau marché où sont cotées les valeurs technologiques, il a fait un bond de 135% (les répercussions des ratés d’avril de Wall Street ont récemment rafraîchi ces marchés bouillonnants). Si la France a mis du temps à se connecter à Internet, elle comble aujourd’hui rapidement son retard et sa nouvelle économie bourgeonnante pourrait constituer plus de 20% de l’ensemble de la production française. Mais plus important encore, le chômage, qui avait atteint un taux alarmant de 12,6% à l’arrivée de Jospin au pouvoir est aujourd’hui descendu à 9,8%. Cette économie frémissante continue à produire plus de 1 000 emplois par jour et le gouvernement a ainsi pu tenir sa promesse en ramenant le taux de chômage sous la barre fatidique des 10% avant la fin de l’année.


Cette reprise fulgurante vient s’inscrire sur une toile de fond de forces économiques et industrielles solides. La France est le quatrième exportateur mondial, la cinquième puissance économique, elle est leader mondial dans le domaine des transports (TGV), en aérospatiale (Airbus et la fusée Ariane, produits en France en partenariat avec d’autres pays européens), en télécommunications (la téléphonie portable et la technologie sans fil) et en génie civil (le grandiose nouveau pont de Normandie et le tunnel sous la Manche franco-britannique). Avec de tels atouts, le pays est bien placé pour bénéficier de l’embellie cyclique qui galvanise en ce moment toutes les économies européennes. La baisse du chômage et le retour de la croissance ont eu des effets bénéfiques sur l’opinion publique: la morosité ambiante des dix dernières années a cédé la place à un optimisme béat. “Les années 90 ont été très dures, nous avions touché le fond,” explique le sociologue Robert Rochefort, président du Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). “Nous n’avions plus confiance en rien, le chômage battait des records et nous avions le sentiment d’être sur le déclin. Depuis 1997, nous avons assisté à un formidable regain d’enthousiasme, une sorte d’alchimie où le plomb se change en or.”


Ce renversement de situation avait déjà été amorcé avant l’élection de Jospin, mais il faut reconnaître que le Premier ministre a joué un rôle essentiel en redonnant foi à l’opinion publique grâce à une série de mesures adoptées peu après son arrivée. Après maintes hésitations sur l’euro, le nouveau gouvernement socialiste a signé le traité d’Amsterdam en juin 1997, assurant ainsi la participation de la France à la monnaie unique et liant son destin avec celui de l’Union européenne. Les résistances initiales à la privatisation ont rapidement disparu au profit d’une vente conséquente des entreprises d’Etat, rassurant ainsi le monde des affaires et les investisseurs internationaux (ils possèdent plus de 40% des actions des entreprises françaises cotées en bourse). La semaine des 35 heures et les emplois-jeunes qui ont offert à 350 000 personnes des emplois subventionnés par l’Etat ont davantage prêté à controverse.


Le gouvernement avait promis que ces deux mesures allaient relancer l’emploi. Mais au sein même du Parti socialiste, on confesse à présent que l’objectif était avant tout de revigorer une opinion publique déprimée. “Vous pouvez critiquer les emplois-jeunes d’un point de vue économique,” reconnaît Henri Weber, sénateur socialiste et théoricien respecté du parti. “Mais il s’agit d’abord d’une affaire de psychologie collective. C’est la même chose pour les 35 heures. Ces mesures avaient une fonction psychologique: soigner une dépression collective. Et ça a marché. Le pays a commencé à consommer, à investir et à se montrer exubérant et heureux.” Les 35 heures ont également permis aux employeurs d’injecter une bonne dose de flexibilité sur le lieu de travail, et ils en avaient besoin. Le sociologue Alain Touraine déclare que les 35 heures et les emplois-jeunes étaient “peu raisonnables d’un point de vue éco-nomique mais fantastiques d’un point de vue psychologique. En d’autres termes, nous avons découvert que nous pouvions être compétitifs en continuant à développer une politique sociale.”


Compétitivité et politique sociale sont au cœur des défis que la France doit relever. En effet, la politique sociale incarnée par l’Etat-providence nécessite l’intervention du gouvernement et une fiscalité plus lourde. Mais pour être compétitif dans une économie globale, il faudrait à long terme réduire le rôle du gouvernement, le poids des impôts et la taille du secteur public. En bref, la France doit devenir plus anglo-saxonne ou plus libérale.


Or le libéralisme est presque un gros mot en France. C’est l’antithèse des idéaux de la Révolution française et des cinq républiques suivantes: centralisme, dirigisme, gouvernement fort, égalité et solidarité. Les citoyens français sont habitués à ce que l’Etat les assiste dans tous les domaines: sécurité sociale, retraites, éducation, transports publics, ils lui demandent même des indemnités en cas de catastrophe naturelle. Le libéralisme, selon les Français, est l’éthique incarnée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni où le laisser-faire, la déréglementation, l’individualisme, le goût du profit, et le chacun-pour-soi priment sur le reste. Hormis une poignée d’individus aucun homme politique, qu’il soit de gauche ou de droite, n’oserait soutenir une telle politique.


Néanmoins l’euro, le marché unique européen et l’économie globale du libre-échange que la France a adoptés relèvent de la logique du libéralisme. Et le gouvernement Jospin applique des politiques libérales encore plus vigoureusement que ses prédécesseurs conservateurs. “La France s’engage dans la voie du libéralisme, mais il ne faut surtout pas le dire,” observe Antoine Garapon, magistrat et spécialiste du système judiciaire français. “La France se distingue aujourd’hui par son hypocrisie républicaine.”

“Si l’on compare la France à d’autres pays, continue Robert Rochefort, la France demeure la plus résistante à l’idéologie libérale. Pour des raisons historiques, notre culture est profondément antilibérale. Mais au cours de ces vingt dernières années, le monde entier est passé à l’idéologie libérale et nous avons fini par adopter un pragmatisme libéral en refusant son idéologie. Nos libéraux de gauche sont des libéraux pragmatiques.”


Ainsi l’ancien ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn, qui, pendant ses deux années au pouvoir, a demandé moins d’impôts, plus de capital-risque et une pratique moins réglementée des stock-options. “Personne aujourd’hui ne conteste le libre-échange, explique-t-il, mais nous avons toujours besoin de règles et d’institutions. On dit que le libre-échange est une bonne chose, mais la société ne doit pas être organisée seulement en fonction du marché.” En bref, le gouvernement de gauche n’est pas prêt à rompre le lien social ni à dégraisser la fonction publique au nom de la compétitivité. Comme le dit Henri Weber: “Nous sommes ceux qui ont refusé de prendre le bateau pour partir en Amérique. Nous n’accepterons jamais des solutions américaines. Notre peuple ne tolère pas le même degré de risque et de violence. Notre solution doit être d’un type social-démocrate.”


De tels propos semblent fixer des limites à l’aptitude de la France à évoluer. Mais en fait, les hommes politiques ne contrôlent plus du tout ce processus. “Aujourd’hui, les changements se font en marge du débat politique et ne doivent rien à la classe politique,” avance Pierre Lellouche, député gaulliste. “Le travail de la classe politique est étranger au monde réel et très peu approprié.”


Ce discrédit des élites du monde politique et des affaires résulte d’une décennie de scandales financiers. Depuis le début des années 90, dans une version française de l’opération “Mains propres” en Italie, au moins 30 personnalités—anciens ministres, membres des partis et chefs d’entreprise—ont été mis en examen pour des délits divers: trafic d’influence, abus de biens sociaux, financement occulte des partis et corruption. L’indépendance judiciaire à l’origine de ce nettoyage de fond est l’un des aspects les plus frappants de la nouvelle France—auparavant de telles affaires auraient été étouffées—et a contribué à une sérieuse remise en cause de l’honnêteté et des compétences de l’ensemble de la classe dirigeante française.


“Les juges ont joué un rôle très important dans le rejet des élites,” indique Olivier Nora, directeur des éditions Grasset. “Elles formaient une sorte de démocratie parisienne de connivence, incestueuse et technocratique. Aujourd’hui la France est engluée dans ses propres affaires, le sens moral reprend ses droits et laisse une impression généralisée de corruption.”


L’impuissance de la classe politique tient également au fait qu’elle semble incapable de reconnaître les profonds changements qui ont lieu en France et la nécessité de développer de nouveaux modèles pour s’y adapter. Bernard Cathelat est un sociologue qui étudie l’opinion publique pour le compte du groupe publicitaire Havas. A partir d’études détaillées, il a observé “un véritable effet de reprise, un renouveau d’énergie et de passion, un désir de faire quelque chose. Pour la première fois en trente ans, les Français sont prêts à changer leur mode de vie. Je suis pessimiste car il manque à cet élan un leader. Notre classe politique n’est pas crédible.”


L’absence de communication entre le gouvernement et ces forces considérables qui réclament du changement est aujourd’hui l’un des plus graves problèmes auxquels la France est confrontée. “La France est un nouveau pays, elle évolue rapidement grâce à son inventivité, mais elle est dirigée par un groupe de gens dépassés qui font constamment référence au passé et à la tradition, explique Alain Touraine. Le problème ne peut pas être résolu sans redéfinir un mélange de nouvelles réalités économiques et de nouvelles politiques sociales. Ce qui implique des idées et des débats. Or il y en a très peu. Il y a un monde entre ce qui se passe aujourd’hui et les politiques du gouvernement.” Alors que la classe politique dépense toute son énergie au jeu des chaises musicales de la Mairie de Paris (l’épreuve a lieu dans dix mois) et en stratégies électorales pour les législatives et la présidentielle de 2002, d’importantes transformations ont lieu presque sous son nez.


Le changement le plus révélateur est sans doute la remise en cause d’un Etat jacobin et centralisé, qui a conduit à la mise en place d’un système plus complexe et décentralisé où les villes de province et leurs régions émergent comme pôles de développement économique et d’expression culturelle.


Bien entendu, le gouvernement a joué un rôle essentiel dans le démarrage du processus avec la décentralisation administrative promulguée par le président socialiste François Mitterrand en 1982. Cette loi a créé 22 pouvoirs exécutifs régionaux élus ayant autorité sur les travaux publics, les infrastructures et les initiatives économiques locales, alors que les 96 départements du pays sont restés sous la tutelle des préfets, tandis que les affaires municipales des 36 000 communes françaises sont toujours aux mains de leurs maires. Cette décentralisation a abouti à un méli-mélo de juridictions se chevauchant et à une montée de la corruption—les élus locaux ayant en charge la fiscalité indirecte, l’argent disparaissait souvent dans leurs poches.


“La décentralisation de 1982 n’a établi aucune hiérarchie entre les différentes entités,” déclare Marc Cabane, qui est à la tête d’une cellule gouvernementale sur la décentralisation et les réformes. “Ils devaient travailler ensemble mais il n’y avait pas de hiérarchie bien définie.” Devant la nécessité de tout repenser, Lionel Jospin a nommé Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, afin de proposer une nouvelle réforme, dont on attend qu’elle réduise le nombre des régions et qu’elle simplifie l’organigramme administratif. Entre-temps, le développement régional s’est fait à une vitesse qui ne doit rien aux réformes administratives décrétées par le gouvernement. L’ambassadeur américain Félix Rohatyn a observé ce phénomène et a par conséquent mis en place des postes diplomatiques dans certaines villes de province. “J’ai compris que la combinaison de l’euro et du marché unique ainsi que la disparition des frontières allaient inévitablement conduire à la décentralisation et à une augmentation de l’importance des centres régionaux et des villes qui créaient leurs propres alliances, expose Félix Rohatyn. De plus en plus d’entreprises quittent Paris, et cette décentralisation ira en s’accélérant avec le développement d’Internet.”


D’après le recensement de 1999, Paris perd des habitants alors que des villes montantes comme Toulouse, Lyon et Lille en gagnent. Le Sud-Ouest est une des régions à la plus forte expansion. Les experts attribuent ce phénomène au débat sur la qualité de vie, à une redécouverte des richesses culturelles des provinces françaises et à une résurgence de l’identité régionale—facteurs stimulés par les avancées technologiques qui offrent aux travailleurs et aux entreprises un degré de mobilité sans précédent. “Si vous êtes une start-up performante à Toulouse dans le secteur des nouvelles technologies, continue l’économiste Alain Minc, le patron doit choisir entre rester à Toulouse ou aller à Londres mais sûrement pas Paris. Avant il fallait aller à Paris pour être près des banques et avoir des travailleurs qualifiés. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.”


Paris continue de surpasser ses rivales provinciales dans de nombreux domaines: capitale internationale, cœur de la vie politique, centre architectural remarquable et première destination des touristes du monde entier. Mais Paris ne personnifie plus la France comme par le passé. “La France ne passe plus par Paris, mais par l’Alsace, la Provence et la Bretagne,” affirme Yannick Le Bourdonnec, journaliste et auteur de l’ouvrage Le Printemps des régions. “Paris n’impose plus son image à la France.” La vieille république jacobine s’éclate également sur le plan ethnique et communautaire.


Depuis la Révolution française, le pays a épousé l’idéologie d’une république unitaire, dans laquelle tous les citoyens seraient égaux entre eux et dans leurs relations à l’Etat. Ainsi, les vagues successives d’immigrés devaient laisser langues et cultures à la frontière afin de devenir 100% français grâce au processus d’intégration. Le système a plutôt bien réussi à intégrer les travailleurs espagnols, italiens, portugais et polonais pendant la première moité du XXe siècle. Mais il a montré ses limites lorsqu’après la guerre, l’afflux d’Arabes et d’Africains des anciennes colonies françaises, population non européenne et largement musulmane, a fait déborder le “melting-pot” français.


Par conséquent, la France, en contraste frappant avec les théories officielles, devient peu à peu une société multiculturelle. Certains analystes pensent que le vieux modèle républicain finira par intégrer les derniers groupes d’immigrés. Mais la plupart des observateurs considèrent l’étendue du multiculturalisme comme un véritable défi pour la France. “Les Français n’acceptent pas cette idée,” explique Alain Duhamel, commentateur politique, “mais on ne peut nier l’existence de communautés et la formation de quartiers ethniques. La France est en train de devenir un pays d’exclusion, avec davantage de phénomènes de ghettos qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas. Ce sera la grande bataille politique du futur.”


Un des aspects les plus positifs de la renaissance française est le développement fulgurant de la nouvelle économie. La France a été plus lente à réagir que les Etats-Unis et certains de ses voisins européens, mais ces deux dernières années elle a peu à peu rattrapé son retard. Depuis 1997, le nombre de connections à Internet a été multiplié par cinq, et depuis l’année dernière le financement des start-up de haute technologie a triplé.

“La nouvelle économie est très prometteuse, déclare Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand. Nous avons une forte croissance et les nouvelles technologies se développent. Nous sommes performants dans tous les secteurs porteurs: l’aérospatiale, les transports, le tourisme, la génétique, l’agronomie et les télécommunications. Aujourd’hui, quiconque veut monter une entreprise peut trouver de l’argent. Il y a deux ans, 700 millions de francs étaient disponibles pour le financement des start-up. Aujourd’hui, ce chiffre avoisine les 14 milliards de francs.” Les deux obstacles psychologiques qui empêchaient les Français de se lancer dans la nouvelle économie, la méfiance ancrée de l’argent et la peur du risque, disparaissent peu à peu grâce à la nouvelle génération branchée sur la révolution Internet. “Il y a dix ans, continue Alain Minc, parmi les 200 jeunes diplômés des grandes écoles françaises, un seul affirmait vouloir devenir entrepreneur. Aujourd’hui ils sont plus de la moitié. C’est un bouleversement majeur.” En effet, la montée d’une génération jeune, qualifiée, tournée vers l’extérieur est l’un des atouts les plus importants de la renaissance française, et ce dans presque tous les domaines.


Tous ces changements forcent la classe politique à affronter les nouveaux besoins et les réalités de la France du futur. Mais deux obstacles de taille demeurent. Le premier est un secteur public pléthorique et conservateur, pour qui tout changement menace son statut et ses privilèges. L’autre difficulté, et les deux vont de pair, est la quasi-impossibilité de réformer les institutions de l’Etat. Les récentes tentatives de réforme des ministères de finance et de l’éducation ont été bloquées par des grèves de fonctionnaires et leurs puissants syndicats, deux ministres ont dû démissionner. Ces échecs ont stoppé net toute tentative sérieuse de réforme, du moins jusqu’aux prochaines élections présidentielles de 2002, où Jospin devrait affronter Chirac. Mais le besoin de réforme est urgent: sans un dégraissage du secteur public et une révision des systèmes des retraites, le pays risque de se trouver dans une situation financière critique intenable ces prochaines années.

La question des réformes divise optimistes et pessimistes. Certains socialistes comme Weber mettent l’accent sur les réformes déjà effectuées par le gouvernement Jospin pour démontrer que des réformes progressistes sont possibles: le Pacs, la loi sur la parité et la CMU, qui offre la sécurité sociale à tous. Les pessimistes reprochent à Jospin de s’être contenté du minimum, et d’avoir laissé de côté les réformes plus fondamentales de l’Etat. Tout le monde a en tête la tradition révolutionnaire française, qui a maintes fois démontré combien les dirigeants qui vont à l’encontre du peuple en colère le font à leurs risques et périls.


Pour l’ancien ministre des Finances Dominique Strauss-Kahn, l’histoire de France et ses brusques soulèvements est la meilleure preuve que le changement est possible. “Nous sommes un pays à tradition révolutionnaire et non réformatrice, explique-t-il. Rien ne bouge pendant vingt ou trente ans et puis soudain le changement arrive. En deux siècles, la France a vécu des bouleversements. Il pourrait bien se passer la même chose pour la réforme de l’Etat. La situation semble bloquée, mais les idées gagnent du terrain et un beau jour on passera le pas.”


La réforme de l’Etat semble imminente sur au moins un point: la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans. Cette idée couve depuis des décennies, mais les trois dernières expériences de cohabitation ont convaincu Jospin et Chirac d’accélérer la révision de la Constitution de la Ve République. La réforme proposée pourrait être approuvée par référendum à l’automne. Dans ce cas, la durée du mandat présidentiel coïnciderait avec celle des députés de l’Assemblée nationale, et réduirait par la même occasion les chances de cohabitation. Mais cette réforme pourrait également modifier la conception chère à De Gaulle d’une présidence de type monarchique et faire du chef de l’Etat une sorte de chef de l’exécutif se rapprochant davantage du président américain. Ainsi, dans le domaine politique mais aussi économique et social, la France semble se diriger vers un système à l’américaine, sans jamais pourtant vouloir l’admettre. Tandis que le pays affronte sans faillir ses profondes transformations internes, son rôle international se transforme peu à peu et reflète lui aussi une prise de conscience: la nouvelle France doit abandonner son passé de grande puissance mondiale fière et glorieuse. Si la prétention universelle continue à faire vibrer les hommes politiques et diplomates français, seule une poignée de nationalistes purs et durs contestent encore que les objectifs et les aspirations français ne peuvent être menés à bien que grâce à l’Europe. Ainsi la France a acquis une position de leader en faisant la promotion d’une coopération militaire européenne et en prenant la défense de manière agressive des intérêts économiques européens. La stratégie française consiste à utiliser l’Europe afin de faire sentir son propre poids au niveau international et ainsi tenter de contrebalancer la toute-puissance américaine. Cette attitude démontre la souplesse de la nouvelle France et sa conviction encore tenace du caractère extraordinaire de son destin. En d’autres mots, plus ça change, plus c’est la même chose.

TIME Magazine
Ecrit par Angward, à 21:09 dans la rubrique "France et consoeur".



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