Bush renonce à un recours automatique à la force contre l'Irak
New York (Nations unies) de notre correspondante pour "le monde"
Si rien ne dit qu'elle a gagné la bataille contre la guerre, la France pourra au moins se prévaloir d'avoir remporté la bataille du paragraphe 10, ce qui n'est pas rien. Jeudi 17 octobre, un accord franco-américain a été conclu sur l'Irak. Les Etats-Unis ont proposé à leurs partenaires français une formule de compromis sur cet article qui stipule ce que compte faire l'ONU en cas d'incident dans le processus de désarmement de l'Irak.
Tirant les leçons de quatre semaines de blocage autour du projet de résolution et de deux jours d'un débat public au Conseil, où seuls la Grande-Bretagne et Israël ont publiquement déclaré leur total soutien - sur 70 orateurs -, Washington a renoncé à obtenir de l'ONU le feu vert pour répliquer dès le premier incident. "Le nœud gordien a été tranché", a commenté un diplomate. Cette nouvelle proposition prend sans complexe le contre-pied de la position défendue jusqu'ici par l'administration Bush et, jeudi après-midi encore, par son représentant à l'ONU. Il n'est plus question d'autoriser les Etats membres à utiliser "tous les moyens nécessaires"pour rétablir l'ordre. Il n'est plus fait mention des conséquences "sérieuses" ou "sévères" (euphémisme diplomatique pour bombardements), qui attendent Bagdad s'il essaie de jouer au plus fin avec les inspecteurs (lire ci-dessous). Washington propose désormais, en cas d'incidents, de réunir le Conseil de sécurité, lequel "considérera la situation".L'offre de compromis a été présentée par l'ambassadeur américain, John Negroponte, à son homologue français, Jean-David Levitte, sous la forme de deux paragraphes. Le fameux OP-10 (operative paragraph) a donc été scindé en deux (OP-9 et OP-10), comme pour satisfaire la revendication par Jacques Chirac d'une démarche en deux temps. A défaut de deux résolutions, les Français obtiennent deux paragraphes, mais ceux-ci leur donnent satisfaction sur l'essentiel : en cas de refus de l'Irak d'obtempérer, le chef des inspecteurs de l'ONU, Hans Blix, fait un rapport au Conseil ; celui-ci se réunit immédiatement et "considère" la situation.
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Le fait que le Conseil, dans cette proposition, ne soit que chargé de "considérer" les événements, au lieu de "décider" de la réponse appropriée - un terme qui a été refusé par la délégation américaine - a chagriné plus d'un exégète. Et Colin Powell, qui est arrivé soudainement à New York, avec quelques heures d'avance sur un programme prévu de longue date, n'a pas fait mystère de la relative importance qu'il accordait à la résolution onusienne. "Les Etats-Unis agissent actuellement en vertu de l'autorité donnée la semaine dernière par le Congrès", a-t-il souligné. Ayant conclu un compromis, les Américains n'en ont organisé aucune publicité - "Nous n'avons pas encore publié de projet de résolution !" s'emportait un porte-parole. Ils se sont employés à rappeler que le Congrès américain a de toute façon donné au président la liberté d'engager les forces armées si nécessaire sans avoir à consulter l'ONU. "Toute résolution qui émergera des discussions entre les membres du Conseil laissera au président américain, si les Nations unies ne sont pas décidées à agir, le droit d'agir en autodéfense avec d'autres nations qui pensent comme nous", a insisté le secrétaire d'Etat qui, dès son arrivée, s'est entretenu avec Hans Blix, le chef des inspecteurs du désarmement. Après de nombreux coups de fil entre Paris, Moscou, Londres et même Pékin, la France a jugé que cette nouvelle proposition américaine représentait un "pas important". L'ambassadeur de France est donc allé porter, jeudi, cette nouvelle à l'hôtel Waldorf Astoria, où réside son homologue américain. Puis les deux ambassadeurs sont revenus lire leurs discours, préparés d'avance, dans la salle du Conseil. D'une voix déterminée, John Negroponte a lu un texte qui répétait comme si rien ne s'était passé les exigences américaines : "une" résolution à la fois "ferme, non ambiguë" et faisant comprendre à l'Irak qu'"il y aura des conséquences".Pour les Français, il reste encore à voir l'ensemble du texte. "Après l'OP-10, il y a encore les articles de 1 à 9", ironise un spécialiste du dossier. Mais on indique de bonne source que les Français accepteraient certains des termes honnis, le compromis obtenu résidant sur la confiance qu'aucun mot ne peut être "interprété comme un feu vert à une action militaire".
INSISTANCE
L'exemple le plus significatif est l'expression "material breach", que l'on traduit par "violation patente". Elle figure dans chacun ou presque des discours des responsables américains. En langage diplomatique, elle correspond à une suspension d'une convention antérieure. Dans le cas de l'Irak, elle viendrait suspendre l'accord de cessez-le-feu d'avril 1991. Les Américains y tiennent particulièrement, car elle leur permet d'arguer de ce qu'ils n'ont pas besoin d'une nouvelle autorisation puisque le cessez-le-feu est suspendu dès lors que l'Irak est en violation patente de ses obligations. "Material breach" figurait dès le premier paragraphe du premier projet anglo-américain de résolution. Elle devrait se trouver dans le texte de compromis, mais la France a choisi de s'en accommoder. Il reste aussi à étudier les modalités du régime d'inspection. Hans Blix n'étant pas favorable à la militarisation de ses inspecteurs, la proposition d'encadrer les équipes sur le terrain devrait disparaître. Sur la question des interrogatoires de scientifiques irakiens, que M. Bush a souhaité voir se pratiquer hors d'Irak, le diplomate suédois aurait proposé d'étudier cette formule au cas par cas. Le principal obstacle étant levé, les Américains devaient soumettre un projet de texte aux cinq membres permanents du Conseil, probablement dès vendredi. Optimistes, certains diplomates envisageaient qu'une résolution puisse être votée par l'ensemble du Conseil avant la fin de la semaine prochaine.
Corine Lesnes pour "le monde"
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Angward
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Comme je le disais, hier, la France prouve qu'il lui reste encore un peu de "couilles" pour parler poliment. Ca fait plaisir de voir que l'on n'est pas complétement inactif. Bien sûr, seul une minorité soutenait les américains dans leur politique guerrière ainsi c'est une petite victoire de la démocratie. Voyons la suite...
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à 18:43