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Les Anglais sont les plus forts
Rendre justice à un grand voisin

En France, parler honnêtement du Royaume-Uni est toujours malaisé. Surtout en ce moment, alors que l'écart entre les deux économies se creuse en faveur de Londres...

Le 5 décembre dernier, dans une double page d'ouverture sur le chômage en France, Libération consacrait un article au contre-exemple britannique. Sous le titre "Tony Blair a réussi son pari pour l'emploi", le quotidien français rappelait que, "à chaque statistique, la Grande-Bretagne bat de nouveaux records" à la baisse et que "son taux de chômage s'établit autour de 5 %, un chiffre moitié moins élevé qu'en France ou en Allemagne". Une situation "de quasi-plein-emploi", ajoutait Libération, "que le Royaume n'avait pas connu depuis 1975". A priori, "Libé" faisait là son travail d'information en notant effectivement que le pays voisin obtenait sur le front de l'emploi une réussite éclatante que l'on ne pouvait attribuer à une politique ultralibérale. Ne serait-ce que parce que le gouvernement de Tony Blair est travailliste. Honnêtement, l'article soulignait d'ailleurs que "le principal artisan de la réussite britannique, c'est d'abord l'Etat", qui est "responsable de la création d'un emploi sur deux".

Mais les choses devaient ensuite de gâter. Dans une sorte de coup de pied de l'âne, le journaliste finissait sa démonstration par quelques phrases dévastatrices : "Pour autant, le miracle anglais a aussi ses revers. La baisse du chômage s'est notamment accompagnée d'un accroissement de la précarité." Au Royaume-Uni, "treize millions de personnes, dont quatre millions d'enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon un rapport [lequel ?] publié en mars dernier". Et, comme si cela ne suffisait pas, le journaliste de Libération ajoutait que "de nombreux économistes [lesquels ?] discutent également les statistiques de l'emploi. Pour continuer à toucher des indemnités, […] de nombreux chômeurs de longue durée s'inscrivent en arrêt maladie."

En clair, le Royaume-Uni serait une sorte de tiers-monde à nos portes, où la pauvreté et la précarité de l'emploi feraient des ravages et où les bons résultats économiques et sociaux sont discutables, et discutés. Cette façon de parler du Royaume-Uni est habituelle en France, où rien de bon ne semble pouvoir venir d'outre-Manche. Pour montrer à quel point cette présentation des faits est biaisée, reprenons simplement les chiffres, les vrais. Il suffit pour cela de se pencher sur les statistiques publiées par Eurostat, l'institut européen de statistiques. Ses enquêtes sont publiques et libres d'accès sur Internet.

D'abord, le fameux seuil de pauvreté. Les derniers chiffres publiés par Eurostat montrent effectivement qu'avant les "transferts sociaux", c'est-à-dire les allocations et autres revenus minimums versés par les pouvoirs publics, 30 % des Britanniques étaient "menacés de pauvreté". Un chiffre énorme qui n'est cependant pas très éloigné… des résultats français. Dans l'Hexagone, en effet, cette menace de pauvreté atteint pas moins de 24 % des ménages. Après transferts sociaux, les choses s'arrangent un peu. Le danger de paupérisation ne touche plus "que" 19 % des Britanniques et encore… 15 % des Français. Ajoutons que, si la France s'en tire mieux que le Royaume-Uni, elle fait, en ce domaine, moins bien (et souvent beaucoup moins bien) que 7 de ses 15 partenaires de l'Union européenne. Enfin, Eurostat retient logiquement dans ses critères de pauvreté le chômage de longue durée. Or, de ce point de vue, le Royaume-Uni obtient des résultats deux à trois fois meilleurs que ceux de la France.

La précarité maintenant. Effectivement, à quoi sert d'être en quasi-plein-emploi si les emplois en question sont des temps partiels subis et mal payés ? Reprenons les mêmes sources statistiques. Au Royaume-Uni, 7,6 % des femmes et 5,7 % des hommes sont employés à temps partiel. En France, c'est 15,8 % des femmes et 14,3 % des hommes. Peut-être, me direz-vous, mais quel intérêt si, comme le prétend Libération, "le nombre de personnes qui touchent [au Royaume-Uni] des indemnités pour incapacité de travail est passé de 550 000 en 1981 à 1,9 million en 2002". Là encore, regardons les chiffres d'Eurostat. Au Royaume-Uni, 27,2 % de la population en âge de travailler font état d'un problème de santé ou d'un handicap. Un chiffre effectivement impressionnant lorsqu'on sait que la moyenne de l'Union s'établit à 16,5 %. Cela dit, en France, c'est 24,3 % des salariés qui déclarent être partiellement ou totalement incapables de travailler, alors qu'à chômage sensiblement égal la proportion des Espagnols malades ou incapables de travailler est, elle, de 9,4 %.

Comparer la France et le Royaume-Uni est un exercice pertinent en soi. Les deux pays ont à peu près le même nombre d'habitants, ils "travaillent" sur les mêmes débouchés économiques (l'Union européenne) et leurs PIB sont proches, même si le Royaume-Uni a dépassé la France ces dernières années – et pas uniquement pour des "raisons de change", comme le notent complaisamment les médias français dès qu'il s'agit d'aborder ce sujet délicat. C'est si vrai que le Daily Telegraph expliquait dans un article récent que, "des trois grandes économies européennes, seule celle de Londres a pu résister à la déprime générale engendrée par les problèmes aux Etats-Unis. Tant en France qu'en Allemagne, les gouvernements ont été contraints de réduire les dépenses publiques au moment même où le Royaume-Uni augmentait les siennes de 4 % cette année, lui offrant une garantie contre la récession qu'aucun des deux autres ne peut se permettre."

Pourquoi donc est-il si difficile, en France, de simplement dire la vérité ? A savoir que la perfide Albion a remporté un vrai succès sur le front de l'emploi. Un succès inégal, certes, mais qui avant tout doit servir à mettre en lumière la terrible déroute sociale et économique française.

Peut-être parce que le succès du Royaume-Uni nous est toujours un peu douloureux. Sans doute aussi par une sorte de paresse intellectuelle bien française qui consiste à trouver qu'une analyse est bonne et juste dès lors qu'elle assassine après avoir encensé. Surtout lorsqu'il s'agit du Royaume-Uni…



Anthony Bellanger
© Courrier international
Ecrit par Angward, à 12:18 dans la rubrique "France et consoeur".

Commentaires :

  Anonyme
02-04-06
à 12:56

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