Nucléaire et pacifiste... Cherchez l’erreur
Le pays qui a prôné une solution pacifique à la crise irakienne doit une partie de sa puissance à l’arme nucléaire, qu’il ne peut pas utiliser. Reste son rayonnement culturel, estime un éditorialiste nippon du "Nihon Keizai Shimbun", Tokyo.
Le poète Sakutaro Hagiwara [1886-1942] a écrit : “Combien j’aimerais aller en France Mais la France est si loin
Je me contente alors de ma nouvelle veste
Pour partir en voyage comme un vagabond.”
Qu’il s’agisse de l’Irak ou de tout autre pays, il est difficile de saisir la vérité d’une contrée lointaine. On pouvait comprendre la France, le pays de l’élégance auquel rêvait notre poète il y a quatre-vingt-dix ans, dans le contexte de l’Europe à la veille de la Première Guerre mondiale. Il y a trente ans, l’un de mes camarades de classe connaissait par coeur tous les quartiers de Paris sans y avoir jamais mis les pieds. Il connaissait jusqu’à l’existence de tel café qui se trouvait à tel endroit de telle rue. Quelle que soit l’époque, la France a toujours fasciné les Japonais.
Sa popularité est particulièrement grande en ce moment. Celle-ci s’explique notamment par l’attitude tranchée du président Jacques Chirac contre une guerre en Irak et son opposition aux Etats-Unis [80 % des Japonais sont contre la guerre]. Il y a huit ans, pourtant, la popularité de cette même nation a été au plus bas, lorsqu’elle a effectué six essais nucléaires à la hâte juste avant de signer le Traité d’interdiction totale des essais nucléaires (CTBT). Ironie du sort : les personnes qui critiquaient Paris à l’époque soutiennent aujourd’hui sa position dans la guerre. Il y avait aussi un petit nombre de partisans de la realpolitik qui jugeaient important de maintenir de bonnes relations avec un président “japonophile”. Ils défendaient indirectement la France, convaincus “qu’une fois le CTBT signé les essais prendraient fin”.
Aujourd’hui, la plupart de ces réalistes sont embarrassés par l’opposition de la France aux Etats-Unis. Leur embarras est d’autant plus grand que dans l’Hexagone, le plus farouche opposant à la politique américaine semble être le président lui-même. M. Chirac serait sans doute étonné de cette vision complexe qu’ont les Japonais de la France, car, de son point de vue, les essais nucléaires comme le refus de la guerre en Irak sont les résultats de décisions prises librement pour les intérêts de son pays, et il existe une cohérence parfaite entre toutes ces orientations. Mais, alors, sur quoi repose cette conviction ?
Tout d’abord, sur un sentiment de supériorité, évident dans le domaine culturel au sens strict. Mais ce n’est pas tout. Si l’on retrace l’histoire des relations franco-américaines, on s’aperçoit qu’à l’époque de l’indépendance le plus grand allié des Etats-Unis était la France. Si les Etats-Unis sont aujourd’hui une superpuissance, il n’en était pas de même à l’époque. Avec des colonies un peu partout dans le monde, la France était un pays avancé, d’une force écrasante par rapport à l’Amérique, qui venait de déclarer son indépendance [1776]. On dit que les succès ne doivent pas faire oublier les égards envers un ancien bienfaiteur. Paris applique cet adage dans son attitude vis-à-vis de Washington. Mais, pour ce dernier, c’est de l’histoire ancienne et le rôle moralisateur de la France ne lui plaît pas beaucoup.
La conviction française repose aussi sur ses armes nucléaires. Je décèle sur ce point le danger de la popularité de la France au Japon. Je m’explique. Pour désarmer la Corée du Nord, des négociations difficiles ont lieu à Tokyo. C’est pourquoi, au Japon comme à l’étranger, certains évoquent un possible armement nucléaire de l’archipel. Si l’admiration pour la position autonome de Paris face aux Américains s’ajoute à la crise nucléaire coréenne, il est possible qu’à l’intérieur du Japon les partisans de l’option nucléaire prennent de plus en plus d’importance.
Néanmoins, en pure logique, l’attitude de la France dans la crise irakienne est contradictoire. Pourquoi a-t-elle besoin de l’arme suprême alors qu’elle adopte une position idéaliste en préconisant de mettre fin à la menace irakienne sans faire la guerre ? Quel est l’ennemi supposé de sa politique de dissuasion ? Paris a formé une solide alliance avec ses ennemis d’hier, l’Allemagne et la Russie. Il ne s’agit tout de même pas des Etats-Unis... Alors que la guerre contre l’Irak a commencé, pourquoi le porte-avions français "Charles-de-Gaulle" est-il toujours en exercice loin de son port ?
La France est une puissance à deux versants. Ne possédant ni la supériorité culturelle ni l’arme nucléaire, le Japon ne pourra jamais devenir la France.
Hisayoshi Ina
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Angward
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Enfin, un journal essaie de comprendre la position de la France, d'une autre façon que le traditionnel anti-américanisme. Il reléve la spécificité de l'histoire France-USA depuis le DEBUT. Tout n'est pas perdu.
ANGWARD
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à 21:29