"Les traitements 'cruels, inhumains et dégradants' de prisonniers sont
interdits par des accords internationaux négociés par l'administration
Reagan et ratifiés par les Etats-Unis. Chaque année, le département
d'Etat publie un rapport critiquant les gouvernements qui ne les
respectent pas. Et voici que M. Cheney demande au Congrès d'approuver
un texte qui permettrait à la CIA d'enfreindre les droits de l'homme.
En d'autres termes, le vice-président des Etats-Unis plaide ouvertement
pour l'usage de la torture." Un fait sans précédent pour un élu de ce
rang, s'indigne
The Washington Post.
Le grand quotidien américain signe un éditorial au vitriol contre le
numéro deux des Etats-Unis, Richard "Dick" Cheney, par ailleurs déjà
soupçonné d'avoir violé la loi américaine en révélant (par
représailles) le nom d'un agent de la CIA, ce qui est un crime aux
Etats-Unis. "Il n'y a malheureusement pas à s'étonner que M. Cheney
soit en première ligne dans une tentative aussi honteuse. Le
vice-président est à l'origine de la décision de l'administration Bush
de violer les conventions de Genève et la convention des Nations unies
contre la torture, rompant ainsi avec des décennies de pratique de
l'armée américaine - une décision qui a conduit à des centaines de cas
d'exactions, de torture et d'homicide en Irak et en Afghanistan",
accuse le journal.
|
|
S'ensuit une description des "pratiques avérées de la CIA". "La CIA
détient aujourd'hui à l'étranger et au secret un nombre inconnu de
prisonniers. En violation des conventions de Genève, l'Agence a refusé
d'enregistrer ces détenus auprès de la Croix-Rouge internationale et
n'a pas autorisé les visites des inspecteurs de cette organisation. Des
prisonniers ont 'disparu', comme les victimes de certaines dictatures.
On sait que le ministère de la Justice et la Maison-Blanche ont
autorisé le recours à des méthodes d'interrogatoire particulièrement
violentes, dont la méthode de la baignoire, la fausse noyade, les
fausses exécutions capitales et l'injection de produits provoquant des
douleurs aiguës. Des agents de la CIA sont impliqués dans le décès d'au
moins quatre détenus afghans et irakiens. La position du vice-président
n'a donc rien d'une proposition abstraite."
The Washington Post relève les manœuvres de Dick Cheney pour
parvenir à ses fins, comme "la menace que le président Bush mette son
veto au budget annuel de la défense si ce budget faisait la moindre
référence à l'interdiction, pour les militaires américains, de l'usage
de traitements cruels, inhumains et dégradants". Les sénateurs ont
ignoré la menace, se réjouit l'éditorialiste, et l'amendement au budget
introduisant cette référence, soutenu par le sénateur républicain John
McCain, ancien prisonnier de guerre au Vietnam, a été voté par 90 voix
pour et 9 contre. Aussi, "M. Cheney fait tout son possible pour
convaincre le comité de liaison entre la Chambre et le Sénat non
seulement d'annuler l'amendement McCain, mais encore d'adopter
formellement un texte approuvant les traitements cruels, inhumains et
dégradants comme instruments de la politique des Etats-Unis".
The Washington Post garde malgré tout un peu d'espoir. "Le vote
précédent du Sénat laisse penser qu'il ne laissera pas passer une telle
trahison des valeurs américaines. Quant à M. Cheney, il restera dans
l'histoire des Etats-Unis comme le vice-président qui a fait campagne
en faveur de la torture."
Courrier international